1) La question principale : qu’est-ce que la politique ? Quel type de relation existe-t-il entre les membres de la communauté politique ? En quoi se différencie-t-il d’autres types de liens ?
Le lien politique n’est pas un lien familial ou amical, il ne dépend pas de l’affection.Le groupe social est défini par une solidarité entre ses membres, un lien si ténu soit-il, matériel et symbolique. L’existence sociale, en effet, est empirique et affective. Elle est faite de tensions résolues dans la pratique, d’intérêts qui s’expriment et se défendent de multiples façons. Mais aussi de passions qui se déploient avec plus ou moins de bonheur pour quelques uns ou pour tous. La solidarité sociale, plus ou moins réalisée, est souvent mise à mal par les intérêts individuels ou partiaux qui la démentent.
Les liens culturels qui existent sont forts et déterminants, ils structurent l’existence des individus en profondeur. Mais aucune société n’est stable, définitive, fermée sur elle-même. Elle connaît des mélanges, des changements, des scissions…qui en font des groupes différents, rivaux parfois. L’unité culturelle n’est pas totale et indiscutable, elle est traversée de tensions.
Ce groupe accède au politique quand il se donne les moyens d’agir d’une seule voix, de mener à bien des initiatives prises au nom du Tout. Ainsi se trouve dépassée l’hétérogénéité de ses membres pour accéder à un vouloir unique et efficace. Une action collective est rendue possible.
De manière très diverse, le fait politique s’avère universel : qu’il s’incarne ou non dans une forme de pouvoir centralisé, il semble que toute société se soit donné les moyens d’agir collectivement, ne serait-ce qu’en temps de guerre ou de crise, mais à travers des institutions fort variées.
Il est cependant raisonnable d’apporter un contrepoint à cette analyse : les lois nous encadreraient pour créer un lieu sûr que serait la société ainsi préservée de la division, des tensions avec leur lot de violence…Mais la loi n’est-elle pas, elle aussi source de violence ? Envers le groupe minoritaire, les individus en général, réduits à l’état d’instruments d’une force qui les dépasse ? N’avons-nous pas des exemples de prise de pouvoir par la force, ou plutôt la violence, terrifiante, excessive, destructrice ? Toute société n’a-t-elle pas dans son histoire un pouvoir fondé sur ce moment « impur » car violent? Partant de ce constat, bien trop fréquent, les Anarchistes par exemple demandent l’abolition de l’État et la restauration de la liberté individuelle.
La loi, voix du politique, est-elle le lieu de l’entente des hommes pluriels ou le moyen de proférer un ordre pour le Maître ?
2) Quelles sont les finalités de l’action politique ?
a) Sécurité et liberté.
Réflexions sur des exemples de libertés, en quoi ces 2 objectifs sont-ils compatibles ?
La sécurité : ce but est largement exploité par les penseurs politiques tout au long de l’histoire de la pensée politique, de T.Hobbes à aujourd’hui. La vie dans la nature (réelle ou hypothétique) serait marquée par des comportements égoïstes et violents qui ne permettraient aucune vie commune. La vie sociale exige comme condition de possibilité la sûreté, éloignée des rapports directs d’instrumentalisation. Il faut respecter l’intégrité physique des autres pour faire société et mener à bien des tâches ensemble. Sécurité signifie donc préservation de la vie, absence de crainte pour elle, réalité assurée de la convivialité à long terme, respect du corps et de ses nécessités. Si la nature est sous le signe de la violence immorale, la vie sociale impose la douceur du commerce des hommes entre eux.
Au nom de la sécurité on se permet de surveiller les individus, de les enfermer, de les censurer, on porte atteinte à leur liberté.
La liberté : le terme est trop vaste, nous parlons aussi plus humblement des libertés au sens des droits individuels. On entend par là, la possibilité effective de faire quelque chose qui nous tient à cœur, de donner libre cours à nos désirs, par lesquels s’expriment notre singularité. Il est donc important de reconnaître cet objectif politique : faire en sorte que la vie individuelle s’exprime dans ce qu’elle a de plus nécessaire et subjectif, d’unique. Faire en sorte que les possibilités contenues dans un individu trouvent le moyen de se manifester et de donner ainsi sens à la vie individuelle.
Exprimer ses opinions, choisir son orientation sexuelle, construire les modalités de sa vie individuelle, accéder au travail de son choix, fonder une famille ou non….sont autant de décisions qui nous semblent relever d’un choix éclairé et souverain de chacun.
Cependant entre sécurité et liberté les choses ne sont pas toujours claires : elles entrent en conflit, ou bien l’une cède la place à l’autre trop largement. Il existe un usage politicien de la notion de sécurité qui porte atteint trop largement aux libertés individuelles, du moins une partie de la communauté politique l’exprime et s’en émeut. Il en va ainsi de la surveillance importante des individus par des moyens techniques, dans la rue par exemple, dans les moyens de transports…
b) La justice :
La justice est un ensemble de valeurs, de principes, qui fondent notre conduite, nos choix, nos lois. Nous les recevons comme un élément de notre éducation. Pourtant la critique est possible et constante dans l’histoire. Ce qui convient à une époque est irrecevable à une autre. Faut-il en conclure que la justice n’est qu’un compromis social temporaire ?
Dans notre société aujourd’hui que pouvons-nous mettre dans cet ensemble de valeurs fondatrices d enos lois ? L’égalité peut être évoquée bien qu’elle ne soit pas pensée comme une valeur absolue ; elle oriente par exemple les comportements entre les genres. L’éducation est une valeur qui commande des lois importantes, celles par exemple qui interdisent le travail des enfants. L’intégrité de son corps interdit les comportements possessifs, et donne à chacun la parfaite maîtrise de soi-même…
Ce serait passer sous silence qu’à toute époque des valeurs fondent un refus de ce que la majorité admet ou revendique ; Platon par exemple était déjà capable de penser que les femmes pouvaient jouer un rôle politique, voire militaire. Ainsi la justice prétend être objective, atemporelle, faite de valeurs universelles.
Celles-ci servent de fins : on pense pouvoir les atteindre un jour, quand les esprits auront changé, quand les intérêts ne gouverneront plus le monde. On croit donc en un progrès : l’abolition de l’esclavage ou la libération des femmes n’en sont-ils pas des exemples ? Il convient cependant d’être prudent : au nom de ces valeurs des comportements autoritaires se sont trouvés justifiés comme le colonialisme ; au nom du progrès des cultures ont été bafouées et humiliées : Si la vraie justice éternelle est connue pourquoi tolérée les injustices culturelles et la lenteur des changements espérés, hâtons-nous au contraire ?!
Conscients de ces dangers, les hommes d’aujourd’hui préfèrent accepter la particularité des systèmes de valeurs et renoncer à une justice universelle, mais au sein de chaque culture la critique doit être encouragée, soutenue par la conscience de sa contingence. S’il y a un progrès de la justice, c’est par la résolution des tensions internes à une communauté particulière qu’il se déploie.
Textes étudiés :