Travail et subjectivité

Qu’est-ce que la subjectivité ?

Le désir : « me fait persévérer dans mon être », manifeste ma vitalité, la projette dans des buts particuliers qui l’expriment.

Me fait tendre vers autrui pour construire quelque chose : une situation, une famille, une aventure, une histoire….

Le style : la façon de vivre et d’investir sa condition humaine dans ses activités. La singularité de l’appropriation des exigences et des savoir-faire. L’esthétisation des comportements et des conduites.

L’engagement : la force avec laquelle on porte un projet, le crédit qu’on lui reconnaît, l’application intellectuelle et morale avec laquelle on fait les choses.

Problème : le travail tient-il ses promesses subjectives ?

On pourrait s’étonner de poser la question : le travail humain fait l’objet d’une division, chacun sa part et le résultat pour tous. Il faut bien travailler pour faire pousser les plantes, fabriquer des objets utiles, organiser les échanges…ce qui compte c’est l’efficacité. Le revenu qu’on en tire n’est que la compensation de cette activité utilitaire, de façon à ce que chacun puisse profiter des fruits du travail de tous. Le travail ne serait pas fait pour me plaire, je le ferais pour servir. Le loisir au contraire me donnerait des satisfactions personnelles, du plaisir et de l’intérêt. Le travail me donnerait les moyens de survivre et le temps qu’il me laisse me permettrait de bien vivre.

Cette façon de voir les choses est sommaire, le travail est un moment de la vie, dont l’étendue est importante, il n’est pas seulement une conduite dédiée à la survie.

Le rôle de la subjectivité à travers les exemples : la subjectivité est un terme qui regroupe les aspirations et déterminations de chaque individu en particulier, sa façon de penser, d’éprouver, de vouloir, liée à une histoire affective et sociale. Il ne faut pas en déduire une singularité absolue des individus, nous avons beaucoup de choses en commun mais nous sommes au carrefour d’influences et de formations qui nous particularisent. Cette subjectivité se mobilise au travail : c’est grâce à elle ou à cause d’elle que le travail nous semble passionnant ou douloureux, que nous sommes investi ou distant. Il y a une continuité entre la vie personnelle et professionnelle, la subjectivité fait le lien. Ainsi le brancardier par exemple éprouve de la compassion pour les patients qu’il transporte, il prend soin d’eux de ce fait, il plaisante pour les détendre.

Freud nous a montré que les hommes associent rarement le bonheur au travail, de façon d’ailleurs assez ingrate. En réalité ils lui doivent beaucoup : l’interaction avec les autres dans le travail leur donne l’occasion d’investir leurs désirs, de donner vie à leurs aspirations. À l’occasion de leurs interactions des effets de séduction ont lieu, clandestinement le travail procure aussi des moyens d’exprimer une forme d’agressivité mesurée, socialisée.

Dans la mesure où le bonheur est un équilibre fragile entre situation objective et état d’esprit, il est toujours difficile de le vivre durablement. Le travail crée les conditions de ce dernier pourtant : il nous aide à vivre en société, à discipliner nos pulsions, mais aussi à devenir persévérant , ce qui est tout à fait nécessaire pour acquérir les moyens de satisfaire nos désirs. Celui qui veut quelque chose doit construire les conditions de sa propre satisfaction, cela exige de savoir travailler.

De plus, il exige pour être réalisé un engagement des qualités personnelles, pas étonnant dés lors qu’on en attende : reconnaissance, développement et contentement. Est-ce bien ce qui arrive ? À quelles conditions peut-on espérer y parvenir ? Cela dépend-il de nous ? Et seulement de nous ? On retrouve ici la pensée de Marx : seul le travail humain tient ses (et ces) promesses.