1. La quête du bonheur est-elle morale ?

Problématiques sur le bonheur comme finalité morale :

Conduite morale : maîtrise, valeur, souci de soi et d’autrui mais bonheur comme souci égoïste de soi, au dépend des autres ?

  • La question du bonheur se pose pour un être humain qui a conscience de vivre sans raison, en toute absurdité. Le bonheur donne un sens et une direction à l’existence individuelle. D’autres finalités entrent en concurrence : données par la religion, le travail, la culture en général.

  • Cela suppose la liberté de le faire : absence d’un déterminisme ou de déterminations sociales qui prédestineraient la vie de chacun. Ainsi une condition politique est nécessaire pour permettre l’éclosion de cette question : elle apparaît quand chaque vie est considérée également digne.

  • La question du bonheur peut s’inscrire nouvellement dans un schéma culturel démocratique, Tocqueville affirme cela dans son livre De la démocratie.

Dans un discours prononcé devant la Convention, le 10 mai 1793, Robespierre déclarait : « L’homme est né pour le bonheur et la liberté et partout il est esclave et malheureux. » L’article 1 de la Constitution de 1793 l’affirme : « Le but de la société est le bonheur commun. » Et chacun a en tête la formule lancée par Saint-Just à la même tribune, un an plus tard, le 3 mars 1794 : « le bonheur est une idée neuve en Europe. » La Révolution s’est faite pour le bonheur des peuples.

Questions posées :

  • Comment être heureux ? La nécessité d’une sagesse pour éviter les impasses.

  • Le bonheur est-il un état d’esprit ? S’éduquer soi-même pour faire coïncider nos désirs avec « l’ordre du monde », de façon à être content. Problème politique : justification des inégalités.

  • Est-il une situation objective ? Notre condition est sensible, vulnérable, limitée, nous avons besoin d’éléments concrets pour déployer notre existence.

  • Le bonheur est-il durable ? La condition humaine est temporelle, l’existence change de sens et d’horizons selon les ages de la vie ; dans ce cas la durée ne peut être que limitée. La question de la durée nous amène à la question de la nature du bonheur.

  • Le bonheur comme aspiration morale de l’homme : l’eudémonisme.

    Le bonheur est un exemple de finalité morale : il donne un sens à la vie, lui donne une direction. Il se présente comme une finalité sensée : par lui s’accomplit l’individu par l’intermédiaire de la satisfaction de ses désirs.

Nous avons dit depuis le début de cette réflexion morale que le but de notre action est de prendre la main sur notre existence, d’exprimer notre être et de le renforcer dans la direction qui nous semble la plus appropriée et intéressante, donc lui donner un sens et une valeur. Cette ambition on la nomme plus spontanément souvent : vouloir être heureux, par quoi nous aurions la conviction d’avoir « réussi notre vie », d’avoir accompli un programme signifiant et apaisant. Le bonheur s’impose comme le but le plus recherché par les êtres humains, l’objectif majoritairement écrasant des existences humaines individuelles. Cette « évidence empirique » nous posera beaucoup de problèmes mais pour le moment essayons de voir seulement ce que contient ce concept.

Je disais réussite, accomplissement, réalisation, expression de soi…ce sont des éléments de cette définition recherchée. Le bonheur serait un état d’esprit durable du fait de la satisfaction de nos désirs principaux. C’est une idée générale qui peut nous mettre tous d’accord, même si cette définition contient des questions immédiatement à travailler : état d’esprit ou réalité vécue ? Durable mais combien de temps? nos désirs, comment être sûr que ce sont les nôtres ? Quels désirs pourront être qualifiés de « principaux » ? Il faudra répondre à tout cela. Pour le moment retenons que le bonheur est un concept assez naturel : il prend acte de la quête de satisfaction des individus qui voudraient trouver les bons objets ou bonnes activités qui donnent sens à leur vie.

En définissant le bonheur, nous tombons sur le concept de vertu défini par les Anciens. Ce concept contient l’idée que l’homme est destiné à quelque chose, il est en puissance quelque chose qu’il faut réaliser pour s’accomplir. La vertu est la force de devenir ce qui est le plus humain, ce que chacun porte en soi d’humain.

A) Quel contenu donner au bonheur ?

Le désir est une tension nourrie d’un manque, réel ou subjectif, qui retarde l’accomplissement d’une individualité particulière. C’est ainsi qu’on le vit, qu’on le ressent.

– Être comblé ou être accompli ? Bonheur dans la consommation ou dans l’activité ?

– Simplicité, évidence du désir ou obscurité ?

Désir comme manque mais causé par quoi ? Condition humaine universelle (finitude, impuissance, relation, imagination) ou bien genèse artificielle ?

Désir comme force créatrice, productive qui accroit l’existence et donne vie à la liberté.

Comment trier parmi nos désirs ? Lesquels ne nous décevrons pas ?Lesquels ne nous mènerons pas à une impasse ? 2 critères sont mis en avant : le plaisir et l’expérience.

1) Les désirs prometteurs de plaisir : hédonisme ou épicurisme ?