Lucrece lg

Objectif et intérêt du texte : Le texte de Lucrèce propose une thèse matérialiste : le langage est une action naturelle, elle est causée par le besoin et élaborée par les moyens sensibles du corps. Aucune spécificité dans cette action naturelle, aucune révélation de l’Invisible à travers lui, juste une preuve de notre complète intégration au monde de la nature. Combattant la pensée métaphysique de Platon, Lucrèce crée les conditions d’une pensée qui s’affronte à un fait : comment les hommes ont-ils fait d’une expérience vitale naturelle un moyen de parler de leurs aspirations spirituelles ?

Exemples pour illustrer la thèse d’auteur : L’enfant qui commence à parler nous donne l’exemple adéquat à la thèse de Lucrèce : il désire ardemment s’exprimer et cherche par la voix, qu’il voit si souvent utiliser par ses proches, le moyen de le faire. Il ne connaît pas les mots pourtant, et les sons posent encore problème à ses organes, ainsi chaque enfant invente un langage nouveau avant de maîtriser le langage commun. On s’amuse de sa façon de parler, de ses erreurs de prononciation, de ses usages inadéquats. Le désir l’emporte sur la maîtrise et provoque la maîtrise.

Corrigé de la question sur le texte : Le langage humain n’est il qu’un cri articulé ?

Un cri articulé est déjà un travail technique qui révèle une existence culturelle. Le langage ne serait que cela qu’il serait déjà beaucoup plus qu’un cri ; cette expression cri articulé est un sorte d’oxymore. La prononciation des mots tolère un jeu social, culturel, artistique, qui enrichit la charge significative initiale et commune ; elle tolère donc aussi la singularité. Le langage n’est donc que cela, un cri articulé, mais dès lors tout autre chose qu’un cri animal.

Lucrèce : le langage humain est-il comparable au langage animal ?

Descartes-texte

Objectif et intérêt du texte  : Descartes montre que la nature du langage humain diffère totalement du langage animal, il est porteur de représentations et de jugements, il n’est pas fait de réactions aux stimulations du monde, intérieur ou extérieur. Il est un instrument pour construire mentalement notre rapport au monde, ce qui crée une distance et une lenteur dans son approche, ouvrant par la même occasion un moment de réflexion sur soi et ses capacités de connaissances. Le langage contient toutes les possibilités : celle de la fable, de l’opinion ou de la justesse, selon que notre liberté ralentisse plus ou moins son élan.

Exemples pour illustrer la thèse d’auteur  : L’usage poétique du langage montre avec acuité l’indépendance de notre langue avec la vie matérielle. Même quand la poésie ne semble que décrire le monde en en détaillant les effets sur notre sensibilité, elle en fait une interprétation irréductible à la sensation.

A propos de la grenouille : “Laissons fuir la nerveuse. Elle a de jolies jambes. Tout son corps est ganté de peau imperméable.”F. Ponge Pièces

Distinctions conceptuelles importantes pour comprendre le texte (optionnel) : Passion/ Raison

Corrigé de la question sur le texte : Les hommes s’expriment ils parfois comme les animaux ?

Les hommes sont des animaux, attachés à un corps, passionnés par lui si souvent qu’on ne saurait parler de moments exceptionnels ou moments de perversité. Nous parlons souvent comme des animaux, il ne faut pas entendre par là que nous allons nous mettre à crier mais que nous faisons un usage intéressé, émotionnel des mots de notre langue. Nous parlons pour nous soulager en utilisant des mots dont nous connaissons l’efficacité sur autrui.

Sapir texte

Sapir Questions texte

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Objectif et intérêt du texte  : C’est à travers le langage que nous répondons à la question « qui suis-je ?”. Nous lui donnons pour tâche de reconstituer le fil décousu de notre vie par le récit, cherchant la continuité de temps et de sens que sa grammaire permet. L’histoire d’une vie mise en mots, saisissable, audible, se constitue en une identité , mais que vaut ce récit, est-il à l’image de notre personnalité profonde ? En réalité, nous sommes souvent déçus par nos efforts, infructueux, pour exprimer notre vie intérieure :« ça sonne faux », « ce n’est pas vraiment ça que je voulais dire». Comment expliquer que ces mots soient si froids, si distants, si communs, et donc si peu accueillants à notre vie pourtant nouvelle et intensément vécue ? Le langage est un outil pour la coopération sociale, l’action, le travail, l’organisation spatiale et temporelle de la vie active. Bergson voit dans le langage cette réalité problématique : il nous permet de comprendre et d’ordonner l’ensemble de notre expérience existentielle mais il opère comme un miroir déformant, adéquat pour dessiner grossièrement les contours des choses et non des états d’âme .

Exemples pour illustrer la thèse d’auteur  : Que signifie par exemple l’expression si utilisée : “Je vous aime”. Imaginons qu’elle soit prononcée par un prêtre en son église pour ses paroissiens, par Roméo pour sa Juliette, par un homme violent et jaloux pour son épouse aliénée, par un enfant pour ses parents…elle recèle autant de significations que de contextes et de subjectivités en jeu.

Corrigé de la question sur le texte  : Faut il risquer l’incompréhension pour s’exprimer authentiquement ?

On part de l’idée que le malentendu est un risque, un danger, une situation déplorable, mais il convient de relativiser cela. On devrait être davantage attentif au fait qu’on prétende nous comprendre , trop rapidement, trop simplement.Cette réussite dans la communication est le signe d’une compréhension a minima, d’une banalisation du message, d’un rétrécissement de l’expérience partagée. Les communicateurs le savent bien qui nous enjoignent de simplifier le message pour en garantir la réception. L’incompréhension n’est donc pas seulement un risque, c’est une opportunité de se comprendre plus profondément, plus entièrement, au terme d’une déstabilisation éventuellement.

Arendt

Dans un entretien télévisé de 1964, Hannah Arendt dit combien elle est attachée à sa langue maternelle allemande. Si l’allemand est un outil exceptionnel pour penser, le dogmatisme est le danger qui guette ceux qui confondent leur langue et la vérité. Si nous parlions tous une langue unique, nous pourrions croire qu’elle saisit parfaitement ce qu’est le monde. Mais la pluralité des langues montre, au contraire, que la pensée ne peut pas se satisfaire d’un seul lexique.

Lorsque les philosophes créent des concepts (c’est à dire proposent une nouvelle définition réflexive d’un mot), ils concentrent tous leurs efforts dans cette activité : contenir dans un concept les caractères principaux, stables, généraux d’une réalité. Cependant, les philosophes eux aussi ne parlent qu’une seule langue, une seule parmi beaucoup d’autres.

Or, les langues appréhendent et ordonnent le monde différemment, et ceci pour plusieurs raisons. D’abord elles sont nées et se déploient dans une situation naturelle et sociale particulière, accompagnant la vie des hommes dans une culture précise. Ensuite, elles ne pensent pas de la même façon la condition humaine et le monde, du fait de leur structure propre. Elles sont cependant compréhensibles par l’esprit humain, leurs énoncés sont logiques, concevables par tous les individus.


Évoquer une langue universelle à l’origine du langage, comme le font les mythes, ou proposer la création d’une langue universelle rationnelle, comme l’ont suggéré certains philosophes tels que Leibniz ou Descartes, semble une proposition absurde d’après Hannah Arendt, car cette langue serait incompatible avec une humanité plurielle. Quelle solution nous reste t il ?

Il semblerait que l’apprentissage des langues et, dans une certaine mesure, la traduction, soient la solution. Mais traduire est toujours une opération complexe qui suppose de prendre en compte, non seulement deux lexiques, mais aussi deux cultures. Arendt nous invite donc d’abord à la modestie quant à nos capacités d’appréhender le monde, puis elle montre que la diversité des langues permet de comprendre la diversité des approches du réel. La diversité est une richesse car elle offre des lectures, des interprétations qui ne se laissent pas entièrement rapporter les unes aux autres.

J.-Butler-texte-préparé-Correction

La société est traversée de tensions qui s’expriment elles aussi à travers les façons de nommer des catégories d’individus. Il est essentiel d’être lucide sur la violence que le langage peut exercer sur eux, mais la victimisation ne rend pas davantage justice à la vitalité de chacun.

L’insulte est souvent dénoncée comme une aliénation de la personne victime, mais nous savons qu’elle se transforme parfois en revendication, pensons aux Impressionnistes qui reprennent l’insulte dont ils font l’objet pour s’en réclamer comme un honneur. Un être humain n’est pas réductible à son assignation, même si parfois le coup porté l’atteint et le fait plier dans un premier temps.

Le langage employé pour interpeller ou assigner quelqu’un à une place précise et lui faire porter un jugement dévalorisant n’a pas toujours l’efficacité qu’on lui prête. Parler n’est pas directement faire, c’est plutôt faire croire qu’on a déjà fait, que rien n’est plus possible, mais c’est une erreur de penser cela. Le langage est donc une arme qui repose davantage sur la peur qu’elle inspire que sur sa réelle nocivité.