Peut-on fonder la justice sur la croyance ?

Introduction : problèmes à élaborer

Réflexion sur les situations concrètes:

1 Exercice Justice

/Correction:

2 Correction exercices

Synthèse de l’introduction :

  • La justice est une fonction : La justice désigne un contenu de pensée destiné à justifier, c’est-à-dire fonder, légitimer, rendre raison des conduites choisies par les individus ou des lois par les sociétés. On veut écarter les sensations d’arbitraire, d’intolérable, d’inadmissible qui pourraient naître de celles-ci.

    La loi me demande des efforts et des privations, est-ce légitime ?

    La morale limite mes plaisirs pour respecter les valeurs, est-ce légitime ?

  • Les justices sont plurielles : Cette démarche de fondation s’alimente à plusieurs sources qui peuvent entrer en concurrence : Dieu, la Nature, la Tradition, l’Individu. La quête de la justice est donc l’origine de nombreux conflits. Une étude rationnelle pourra-t-elle mettre fin à cette concurrence conflictuelle ? Une justice vraie est-elle concevable ?

    Ce conflit se voit jusque dans l’institution judiciaire qui peut être rattachée à des pouvoirs différents et donc des valeurs différentes (État/ Religion par ex à Paris au Moyen-Age ; Antigone dans le mythe antique).

  • La justice progresse : On prétend assez spontanément qu’il y a eu des progrès en matière de justice, est-ce une idée objective ? Si c’est le cas, quel est le moteur de ce progrès ? Qu’est-ce qui pousserait les hommes à être de plus en plus justes ?

1) La justice peut-elle être seulement sentie ?

6 Platon Gygés

4 Platon Glaucon questionnaire

Glaucon met en avant une représentation de la justice à travers l’histoire de Gygés, fictive et surnaturelle, ou bien à travers l’analyse de l’opinion commune, dont se déduirait une certaine conception de la loi. La justice est valorisée en paroles dans la société puisqu’elle va dans le sens de la vie, de la paix, du bien-être du plus grand nombre. Cette valorisation est cependant superficielle, elle ne suffit pas à contraindre les actes, quand cela se révèle possible de pratiquer l’injustice sournoisement. En termes de bénéfices, la justice est synonyme de restriction, et l’injustice de profits personnels ; il est donc plus profitable d’être injuste mais de paraître juste, sans quoi le reproche public viendrait ternir notre succès. Ce dernier prenant acte d’une conduite égoïste, intenable socialement, porteuse de préjudices collectifs.

La loi procède donc d’une convention passée entre tous les membres d’une société pour éviter de vivre dans la peur et la souffrance. Le Pouvoir politique ayant alors pour mission d’énoncer la loi qui réalise au mieux cette convention et de faire en sorte qu’elle soit obéie le plus possible. Cette représentation des choses fait du Pouvoir politique un Père qui veille sur des personnes immatures, sournoises, égoïstes dans l’âme, sensibles à leurs seuls intérêts y compris celui de ne pas subir la force publique.

Cette thèse sur l’origine de la vie politique sera tenue par d’autres penseurs, jusqu’au 17ème siècle chez les penseurs du Contrat social, mais aussi chez les Empiristes du 18ème siècle qui donne à la sensibilité(donc l’intérêt matériel et affectif) une importance décisive dans la création des vérités et des valeurs. La convention est un contrat : une décision collective de poser une norme et des limites au comportement individuel. Ce qui est une restriction de la liberté naturelle de l’individu est légitimé par ses effets bénéfiques collectifs, c’est l’essence de la justice que prétend trouver Glaucon dans ces textes.

Quel problème pose cette thèse commune ? Une convention purement pragmatique peut-elle fonder les lois ?

La justice est donc une idée chérie par les hommes : elle justifie les privations de liberté, elle donne une valeur à la conduite, elle crée un ordre de vie nouveau plus humain. D’où l’idée qu’il est préférable d’avoir les apparences d’un homme juste en société. Cela donne à penser que contrairement à une simple convention localisée elle affirme une supériorité du comportement juste au-delà des frontières spatio-temporelles d’un groupe particulier. Le dialogue sur la justice fait apparaître des vérités et des constantes liées à la nature ou la condition humaine. L’observation de la vie politique des individus montre que la justice est un outil sur lequel s’appuyer pour progresser dans la réalisation d’un monde humain.

Dans le monde Antique, Antigone nous en donne un exemple : elle se réfère à une justice qui n’est pas à ses yeux une convention mais un absolu, qui vaut pour tout le monde partout. De même, nous estimons qu’une justice universelle est concevable, et nous nous appuyons sur elle pour changer les lois. Dés lors on pourrait en déduire que le Pouvoir politique serait le garant d’une élévation de la vie humaine, une réalisation du projet d’être humain contenu en chaque individu.

  1. La justice est-elle inconnaissable ?

    Pascal Justice comme convention/paix

7 Pascal Justice textes-questions 20

7b Pascal Justice (condition)

Pascal défend ici une thèse paradoxale, voire choquante pour nous, à propos du pouvoir. Elle répond à la question suivante : les Nobles (les « grands » du pays) , et parmi eux le premier le Roi, ont-ils mérité leurs privilèges et pour le roi son pouvoir ? Il répond par une fable : celle d’un homme qui est pris pour roi alors qu’il ne l’est pas, il a conscience que ce n’est pas sa place, qu’il y a erreur sur la personne ( sa « condition naturelle » n’est pas d’être roi), mais il accepte quand même la fonction. Il a donc une « double pensée » : je ne le mérite pas mais je dois m’en acquitter. Le personnage ne se ment pas à lui-même, il reste lucide, il connaît sa condition humaine, universelle, aucunement prédestinée à cette fonction; mais il sait que cette fonction doit être exercer par quelqu’un, il en accepte la charge. Il trompe cependant le peuple, consciemment, car il pense que c’est nécessaire.

Le roi de la fable est en fait assez comparable aux rois réels, eux non plus n’ont pas mérité leur charge, ils la doivent au hasard et au choix des législateurs qui ont défni les règles de succession de la couronne. Tous les rois ne se transmettent pas le pouvoir selon les mêmes règles. La transmission des biens, des richesses, ou des titres et donc du pouvoir sont aussi aléatoires que les courants marins qui ont fait échouer le personnage sur une côte où on attendait quelqu’un. Les lois sont particulières, relatives au pays (où on les a établies, d’où l’expression « établissement humain »), elles ne sont pas issues de la nature. Par nature, aucun homme n’a le droit de commander aux autres, c’est une idée absurde, on ne peut pas se réclamer d’un prétendu « droit naturel ». Pascal conclue donc qu’il faut avoir la lucidité de reconnaître que naître au bon endroit dans la bonne famille, au regard des richesses et des titres, n’a aucun mérite !

Faut-il en conclure que Pascal est un révolutionnaire qui met en évidence l’injustice d’un tel système ? non, il a bien dit que le roi mis en place par hasard devait s’acquitter de sa fonction. Son pouvoir est légitime, pas au sens où il serait naturel ou mérité par des qualités personnelles, mais du fait d’un hasard qui est devenu une coutume soutenue par une croyance immémoriale qu’il ne faut surtout pas fragiliser. Laissez le peuple croire que le roi est juste et vrai, mais que le roi lui-même surtout ne le croit pas, sans quoi il se comportera comme un être qu’il n’est pas : supérieur, tout- puissant, différent de ses sujets par sa nature.

3) La justice est-elle une mystification utile ?

Marx Etude de texte

Correction des questions :

  1. Comment se définit une classe ?

    « La classe qui a à sa disposition les moyens de production matérielle »

    Une classe sociale est un groupe d’individus qui au sein d’une société occupe la même fonction dansle système de production. Au sein de ce groupe, l’ intérêt est donc commun : tirer le plus grand bénéfice du travail au dépend de la classe antagoniste. Une classe sociale se définit donc par un intérêt matériel commun au sein d’un système économique.

  2. Que domine la classe dominante ?

    « dispose également par là des moyens de la production intellectuelle déterminent dans toute son étendue une époque historique »

    Pour s’assurer une réelle et durable domination sur la classe sociale exploitée, la classe dominante capitaliste doit produire une idéologie qui justifie et légitime une telle organisation. La production des idées parachève le système en lui donant a posteriori les bases utiles à son acceptation.

  3. Que pense Marx de la séparation des pouvoirs ? Est-ce une protection de la justice ?

    «la pensée dominante est la doctrine de la séparation des pouvoirs, présentée maintenant comme une « loi éternelle ». Les institutions politiques, ainsi que les discours philosophico-politiques qui les sous-tendent permettent de faire croire à un régime politique égalitaire et soucieux d’éviter les abus de pouvoirs. Par exemple la séparation des pouvoirs, idée mise en avant à cette fin, ne doit pas nous empêcher de constater que tous les pouvoirs sont exercés par la classe dominante économiquement.

  4. En quel sens peut-on dire que ce texte est une illustration de la pensée matérialiste ?

    La doctrine philosophique appelée matérialisme affirme que la vie matérielle est à l’origine de l’activité et de la pensée des individus. Aucune valeur ne préexiste à l’organisation matérielle, économique ; elles découlent au contraire des impératifs que cette organisation croit nécessaires de mettre en place pour faire durer une source de bien-être matériel.

  5. Quelle invention est carastéristique de la société bourgeoise du 18ème s ?

    « celui de l’individu singulier singularisé »

    La société bourgeoise invente l’idée d’un être humain complet par lui-même, détenteur une identité propre, lieu des initiatives immédiates de sa volonté. Ce sujet parfaitement et immédiatement lui-même, dans une splendide solitude possible est une figure des Lumières. Il permet de donner corps à l’être naturel existant dans une tension problématique avec la société. Son insertion est alors posée comme un choix seulement possible.

  6. Quel paradoxe exprime-t-elle ?

    « L’homme est, au sens le plus littéral, un zôon politikon (un animal politique), non seulement un animal sociable, mais un animal qui ne peut se constituer comme individu singulier que dans la société. »

    Une telle représentation est paradoxale pour un être qui jamais ne nous apparaît isolé, complet, indépendant. La figure de l’homme à l’état de nature n’est qu’une fiction que même Rousseau reconnaît comme telle. Au mépris de l’expérience commune, de la sensibilité, de l’expérience de chacun, cette idée s’impose dans la théorie politique pour justifier le pouvoir totalitaire (Hobbes) en même temps que la libre responsabilité de l’individu à consentir à la vie sociale.

  7. En quel sens cette invention est-elle utile à une société bourgeoise capitaliste ?

    L’idée que l’individu consent à son exploitation est utile, ainsi que l’idée que la société n’est pas un tout organique qui se doit également à chacun de ses membres.

B) La justice comme absolu :

Transition avec Marx :

Marx dénonce la justice comme instrument de la classe dominante, outil de la pérennisation d’un système d’exploitation économique, pourvoyeur de souffrances sensibles et morales. On peut estimer qu’il s’agit là d’une usurpation de terme : le mot justice recouvre un ensemble de valeurs qui servent de fondements, de légitimation, et nous disposent à accepter le cadre posé ainsi. L’usage qui est fait de ce mot dans ce contexte capitaliste est donc manipulatoire : nous croyons avoir affaire à la justice quand nous sommes les dupes d’un intérêt particulier érigé en valeurs et socle de la loi. Il convient de reprendre l’analyse pour donner à la justice le sens qui en fonde la force.

Bentham

1) La justice est-elle déductible de l’utilité ?

Bentham est considéré comme le philosophe de l’Utilitarisme. Son idée est simple : ce qui est utile aux hommes est préférable, cela seul justifie les restrictions de sa liberté par la loi. La valeur de l’utilité n’est pas en question puisque les sens, le corps de l’homme manifeste par son contentement l’opportunité de sa quête. Mais l’homme est toujours inséré dans une société, la question de l’utilité doit cependant affronter la possible contradiction entre l’utilité individuelle et l’utilité collective.

Comme il est manifeste pour Bentham que la vie de l’homme profite de son inclusion sociale, que l’individu gagne à être inclus dans une société une sécurité et une puissance incomparables, l’utilité collective doit l’emporter sur l’utilité individuelle, aux dépends même des droits individuels.

Un exemple peut nous convaincre des dangers possibles d’une doctrine à première vue sympathique : pour la plus grande utilité de la société, Bentham préconise de parquer tous les vagabonds dans un lieu clos où le manger et le dormir seront assurés à ces personnes. Mais en compensation ils devront travailler pour ceux qui les prennent en charge, en cédant le fruit de leurs efforts. Dans la mesure où la grande majorité des individus y trouvent une utilité : à la fois ne plus subir la vue désagréable d’un être humain dans une situation misérable et pitoyable et ne pas craindre une délinquance vengeresse de leur part, les vagabonds n’auront pas le droit de refuser.